01/11/2012
Mon témoignage sur le métier de Taxi médical. Je vous parle de ma vocation tournée vers les souffrants, dans le respect et l'écoute d'autrui.
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Ce soir, je vais vous parler de mon métier.
Je suis Taxi médical... Taxi sanitaire... Taxi employée dans une société d'ambulances.
En fait, pour faire ce métier et obtenir une place de cet ordre, il faut nécessairement posséder le diplôme de Taxi mais aussi avoir une formation d'ambulancier, de préférence.
Je transporte donc des personnes malades, âgées, handicapées, dialysées, cancéreuses, accidentées et bénéficiaires du "cent pour cent" de prise en charge de la Sécurité Sociale pour une maladie grave, longue maladie ou pour un accident du travail.
J'ai choisi ce métier il y a dix ans par vocation et par choix volontaire, après avoir été professeur de musique.
J'ai démarré à l'époque comme ambulancière novice dans une boîte d'ambulances qui a aujourd'hui coulé, à cause du fait qu'un des frères dirigeants s'est débrouillé pour ne pas payer les cotisations retraite de ses salariés durant plusieurs années.
Ils m'ont donné la chance à l'époque de me former à ce métier passionnant. J'ai vite été mise en binôme avec un cadre qui faisait dix urgences par jour. Mon sentiment à l'époque est d'avoir été jetée à l'eau sans savoir nager.
J'ai accompagné de dix à douze heures par jour des personnes en fin de vie, des hémorragies, des personnes atteintes de septicémie, d'infarctus, de cancer en phase terminale, de dépression avancée.
Mon "salut" a été que j'ai pu écrire un livre de témoignage sur un an d'ambulancier. J'avais ce besoin de faire appel au collectif pour partager la souffrance du monde. J'écrivais pour laisser la trace d'un métier si beau, si dur et méconnu, non reconnu surtout. Mon livre, épuisé aujourd'hui, s'appelle : "Transports d'âmes et d'hommes".
Depuis, j'ai travaillé dans le domaine du TPMR : "transport de personnes à mobilité réduite", avec conduite de fourgons aménagés pour pouvoir monter à bord des fauteuils électriques et très lourds, non portables par des humains ni transportables en ambulances.
Et puis j'ai aussi passé le diplôme de Taxi en 2003 avant de passer le diplôme d'ambulancier. Le diplôme de Taxi est obligatoire depuis 1995, avec une épreuve nationale et une épreuve départementale, dont un examen de la conduite avec deux inspecteurs dans le véhicule. C'est la Préfecture qui nous délivre ensuite notre carte de Taxi, avec obligation de formation continue et d'examen médical régulier.
Lorsqu'on a réussi le diplôme de Taxi, on peut ensuite soit devenir artisan Taxi à son compte, soit devenir salarié d'une entreprise de Taxi tourisme ou commerce, soit devenir Taxi dans une boîte d'ambulances (avec une formation complémentaire).
Il m'arrive dans le cadre de mon emploi de Taxi médical de transporter des personnes handicapées en fauteuil manuel, lequel peut se plier et se placer dans le coffre de la voiture. Il me faut aider la personne à se placer sur le siège de la voiture en quittant son fauteuil roulant, en la soutenant et en la guidant parfois dans ses mouvements.
J'ai accompagné il y a quelques temps une personne accidentée dans un accident d'avion, rescapé miraculeux d'un drame terrible. Avec le temps, l'ayant vu au départ avec deux moignons et les deux jambes estropiées, j'ai eu la joie un jour de le voir debout, avec deux prothèses installées par des personnes très compétentes, deux nouvelles jambes et pieds entièrement confectionnés par la main de professionnels médicaux.
Le courage des humains est parfois si grand et leur force intérieure de vie si riche que les anges eux-mêmes n'en reviennent pas parfois...
J'accompagne aussi des personnes atteintes d'Alzheimer ou de troubles divers... Certaines répètent tout le temps la même chose durant le transport et puis il y a celles qui ne parlent pas et puis celles qui peuvent être agressives soudainement, comme ce monsieur qui m'a traitée de "sale merdeuse" et m'a menacée de me gifler, me disant : "je vais enlever ma ceinture, vous allez voir, ça va barder"... Tout cela parce qu'au moment de démarrer, j'appelais mon chef pour lui signaler que nous partions, par téléphone avec oreillettes. Il faut demeurer très zen et calme dans un cas comme celui-ci, relativiser et se dire que ces personnes vivent des choses très dures et luttent contre des douleurs atroces parfois. Ce monsieur, pour tout vous dire, venait de subir une séance d'une heure de piqûres dans la verge et la zone alentour. Je me suis tue et n'ai pas répondu.
En tant que taxi médical, ma mission est de rendre agréable un transport imposé par un traitement souvent lourd... chimiothérapie, radiothérapie, dialyse, transfusion, rééducation de kiné, piqûres dans les yeux, etc. Souvent, pendant que je conduis, j'écoute la personne qui se confie mais une communication s'établie aussi, avec un échange sur la vie, sur nos vies et aussi sur les choses banales qui rendent plus légers le drame vécu par le patient que je transporte. Notre passager confie sa vie à notre professionnalisme sur la route. Il souhaite rentrer chez lui assez rapidement mais en douceur, d'où l'obligation d'adopter une conduite souple et zen, avec une anticipation des dangers continuelle et une concentration de tous les instants.
On doit aussi pouvoir faire face à des crises d'épilepsie, d'angoisses, cardiaques, malaises divers... en gardant son sang-froid et en sachant faire les gestes justes.
Souvent, nous retrouvons les mêmes personnes à transporter dans la semaine... mais de mois en mois, de nouvelles personnes arrivent pour être transportées alors que d'autres ont terminé leur traitement. Nous savons alors que ces dernières vont vers leur guérison et une santé bien meilleure, ce qui rassure et emplit de sérénité.
Ce métier demande d'être disponible aux niveaux des horaires aux larges amplitudes et d'être ponctuel tout au long de la journée pour chaque prise en charge. C'est un métier de respect envers le patient et de confiance, confiance que le client met en nous pour être transporté de façon fiable et aussi pour arriver à l'heure. Pour cela, nous devons choisir le meilleur itinéraire, tout en étant aimable et rassurant. En même temps, il faut aussi savoir éviter un accident, une voiture qui a grillé un feu ou une priorité, un vélo imprudent, un piéton distrait...
Si ce métier vous plaît, alors n'hésitez pas à le choisir... Il faut aimer rendre service et aussi... aimer conduire, être zen et très calme. Savoir aussi prendre sur soi et posséder un certain courage.
Merci de m'avoir lue.
Chloé Laroche
01:46 Écrit par chloe38 dans Ne tirez pas sur l'ambulance | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : taxi, taxi médical, sanitaire, ambulance, métier santé, conduire, métier, vocation, accompagner, patient, cancer, dialyse, handicap, santé, maladie, mort, fin de vie, accident, rééducation, vsl, route, permis de conduire, permis de taxi, préfecture, examen, chambre des métiers, candidature, travail, emploi, témoignage, alzheimer, kiné, voiture, code route, respect, déontologie, écoute, zen, calme, espoir, pôle emploi, alp'azur ambulance, isère, médecine, hôpital, clinique, rendez-vous, traitement, chimiothérapie, sécurité sociale | Facebook | |
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25/06/2008
Le silence est entré dans mon ambulance. Mon hommage aux ambulanciers. Hommage aux patients. Attente d'un traitement. Attente de l'ambulancier après l'attente chez le médecin ou à l'hôpital.
(Extrait de mon livre paru en décembre 2003 : "Transports d'âmes et d'hommes", aux éditions L'Âme du Ciel sous l'ISBN -2-9516004-2-9).
LE SILENCE ET L'ATTENTE________________
Le silence est entré dans la voiture que je conduis. Une Astra blanche avec la croix bleue des ambulanciers sur le capot.
Ma patiente est assise à côté de moi.
Quelques mots ont été échangés. Et puis le silence a gagné. Non pas lourd mais consenti, de part et d’autre. Lourd de sens, oui, car la maladie est là, présente. Le cancer mine ma patiente depuis des années. Sans rémission.
Elle m’a soudain reparlé.
Et puis le silence est revenu, comme la neige qui se dégage doucement devant nous, sur la route.
Je rencontre ce silence tous les jours, à travers les patients que je prends en charge. Silence de neige, silence de patience, silence d’attente...
L’attente d’arriver à destination, l’attente dans les embouteillages, l’attente dans les salles d’attente pour rencontrer le médecin, l’attente de l’ambulancier qui emmène et ramène, l’attente d’un avenir meilleur, l’attente d’une santé disparue, l’attente d’un traitement en salle de chimiothérapie...
Dans toute cette attente, les patients ont besoin de sérénité et de calme. Ils ont besoin que nous les transportions avec beaucoup de tact et de respect.
Chloé Laroche
________________ Mon hommage
aux ambulanciers du monde :
Le métier d’ambulancier est une profession où les anges gardiens ne chôment jamais dans l’ensemble du monde entier.
Je lisais tout à l’heure le témoignage d’une femme : Marta Gray, dans “La couleur du silence” de Yves Eurieult (éditions Ramuel), qui a travaillé aux côtés de Mère Teresa à Calcutta en Inde.
Elle racontait l’horreur qu’elle a vécu là-bas, les corps vivants dévorés par les vers, les enfants de neuf mois qui avaient la taille d’un foetus à terme, les malades infectés que leur amenaient les ambulanciers pour qu’ils meurent dignement dans le centre de la Sainte femme.
Je pense aux ambulanciers de ce pays, à ceux de Palestine et d’Israël, à ceux d’Algérie et de la Tchétchénie...
Je pense aux quarante-quatre ambulances qui ont été réquisitionnées le soir où la boîte de nuit de Saint Laurent du Pont a été détruite par un incendie dramatique... Ces professionnels du transport médical sont allés chercher les corps des victimes, de tous ces jeunes isérois, morts dans la fête d’une dernière nuit.
Ils ont fait la navette pendant des heures entre le lieu du drame et le gymnase pour que les dépouilles soient dignement rendues à leur famille.
Le métier d’ambulancier ressemble à celui de passeur des âmes et des corps... Il est un accompagnateur dans le passage entre la vie et la mort, soit dans un sens soit dans l’autre.
La plupart du temps, il n’y a heureusement que la vie et l’espoir.
Mais dans bien des cas, de par le monde, l’ambulancier se bat pour donner à la Vie une chance : il se bat pour que la Mort n’arrive pas pendant le passage du transport... afin que le malade soit soigné à l’arrivée, sur le lieu béni où les médecins exercent.
Chloé Laroche
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Pour lire tous mes articles concernant le métier d'ambulancier
et de taxi médicalisé, consulter :
https://sosmaman.20minutes-blogs.fr/ne-tirez-pas-sur-l-ambulance/
Le mandala de larmes vient du site :
http://koah.over-blog.com/30-categorie-10168075.html
10:00 Écrit par chloe38 dans Ne tirez pas sur l'ambulance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ambulancier, taxi, maladie, écoute, cancer, accompagnement, mère teresa, hommage aux ambulanciers, profession, dévouement, courage, attente, patience, handicap, ambulanciers du monde, hôpital, santé, médecine, conducteur, mandala de larmes, vocation, métier;mort, vie, espoir, combat, blog, témoignage, isère, france, transport, malade, vieillesse, âge, fin de vie, dignité, déontologie | Facebook | |
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