28/02/2010
J'écris pour les cinq ans de mon fils, entre épreuves et sérénité, entre amour et pardon, entre deuil et résilience.
Mon fils
Tu as eu cinq ans aujourd'hui
Cinq ans d'une vie de bonheur
Près d'une maman aimante
Mais des larmes pour ton papa
Disparu si loin disparu si tôt
Alors que tu l'avais retrouvé
Après des mois d'absence
De désertion de paternité
Et le voir s'amaigrir
Jusqu'à mourir sans retour
Tu as eu cinq ans aujourd'hui
Mais des tempêtes dans ton coeur
De voir le monde, de le sentir
Parfois si dur quand les ados
Montrent leur souffrance si fort
Que les petits subissent leur colère
Face à une révolte de jeunesse
Et regarder les aînés insulter
Malmener, voir les larmes
D'une mère impuissante
Ta soeur handicapée
Un soir s'est jetée sur toi
Elle voulait te frapper
Et j'ai dû la plaquer au sol
Car le handicap mental
Est parfois dangereux
Tu as eu peur si fort
Et comment aimer après
Comme tu sais le faire si bien
Tu aimes ta soeur de Roumanie
Tu as eu cinq ans aujourd'hui
Et face à tes deux soeurs d'adoption
Tu gardes ce regard d'amour
Même si parfois tu les mettrais dans un carton
Avec marqué dessus : retour au pays
Mais tu sais au fond de ton âme
Qu'elles viennent de l'enfer
D'un passé trop dur et révolu
Et que ta maman les aime
Donc toi aussi tu les aimes
Tu as eu cinq ans aujourd'hui
Et pas un appel des grands-parents
Les paternels sont morts
Et les maternels sont en vie
Mais trop de mal à ta maman
Par un grand-père haineux
Qui vit dans un monde sans amour
Au coeur sec et froid
Dans lequel la tendresse est morte
Indifférence parentale
Tu as eu cinq ans aujourd'hui
Et quand ils sont venus
De leur lointaine région
Tu n'as même pas su qu'ils étaient venus
Car ils n'ont pas pris la peine de passer
De venir te faire un gros bisou
Ta mère au coeur arraché
De leur absence et là il étaient si près
Mais ils n'ont pas donné signe de vie
Dans la misère pauvre des âmes
Tu as eu cinq ans aujourd'hui
Plein de bonheur et une balade
Avec des amis et des enfants
On a pris la Bastille à Grenoble
Comme on prendrait le monde
Avec amour et enthousiasme
Comme tu les fais vivre dans ton coeur
Tu me regardes et tu me fais
Un énorme bisou en riant
"C'est un baiser serré"
Bon anniversaire mon fils.
Ta maman
Chloé L
Nota : le lac sur les photos est le lac de Monteynard, situé au sud de Grenoble.
03:18 Écrit par chloe38 dans Mes confidences de mère adoptive et biologique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anniversaire, petit, cinq ans, adoption, aîné, violence, famille, handicap mental, fils, deuil, orphelin, mort du père, fratrie | Facebook | |
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22/09/2009
Je témoigne du parcours de ma fille venue d'un orphelinat de Roumanie à 8 ans, handicapée déficiente mentale et souffrant du syndrome de Francheschetti. Réflexion sur le handicap mental.
Bonjour à tous et toutes,
Ce week-end, c’était la journée du Patrimoine. Je suis allée samedi avec mes enfants au Château de Bon Repos à Haute Jarrie, château où j’avais joué à l’âge de 16 ans comme violoniste dans l’Orchestre Universitaire de Grenoble, dirigé alors par Jean Laisné. C’était en juin 1982... Un moment magique où nous avons joué l’Alleluia du Messie de Haëndel avec des feux d’artifices fabuleux. Il y avait aussi le quintette de Chambéry avec plusieurs chorales de Grenoble. Ainsi que les membres de l’Association du Château qui ont fait un travail remarquable de restauration de ce précieux vestige du passé qu’est le Château de Bon Repos.
J’avais emmené mes enfants Julia et Yourdine à cette visite.
Julia, ma fille adoptive venue de Roumanie, est une enfant handicapée avec déficience mentale mais elle est très intéressée et réceptive aux lieux que je lui présente de ce type. Elle regarde, observe, touche, enregistre. Ses yeux sont plein d’émerveillement et de surprise devant les objets, les toiles, les monuments, les arbres, les parcs, les grottes, les oeuvres d’art, les sculptures.
Les oreilles de Julia sont malformées et elle est déficiente auditive ; elle n’avait pas de palais dans la bouche jusqu’à son opération de 2002 au CHU de Grenoble. Son visage témoigne de la souffrance accumulée au fil des ans passés dans l’orphelinat roumain et aussi de cette force de vie inébranlable qui fait que Julia avance avec bonheur et curiosité du monde.
Son parcours résonne avec cette phrase de l’écrivain handicapé moteur cérébral Alexandre JOLLIEN : “Chaque corps, aussi défectueux soit-il, appartient à une conscience toujours en lutte, toujours dirigée vers le progrès, à une source où puiser de la force pour mener à bien un combat joyeux.” (extrait de son livre “Le Métier d’homme”-1982).
Nous avons lu cette phrase dimanche lors du week-end du Patrimoine, devant le Musée de l’Évêché à Grenoble. Il y avait une exposition de photos de visages et de parcours de vie d’handicapés mentaux, avec des formes de carrés en sculpture. Des phrases de personnes handicapées et aussi d’Alexandre JOLLIEN étaient inscrites au vu de tous. Julia a tourné autour des carrés empilés et a regardé chacun des visages avec leurs expressions ; des visiteurs regardaient aussi et voyaient Julia comme une figure vivante des témoignages qu’ils voyaient mais qui sont presque lettres mortes devant la réalité vibrante d’une personne différente.
Saint-Éxupéry avait écrit : “Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis.” Malgré tout, la différence fait toujours peur et nous l’avons expérimenté avec Julia. Des mots cruels contre elle et moi dans un magasin... Des regards inquisiteurs et sans chaleur... Des remarques comme celle-ci : “Votre fille, c’est une débile, il n’y a pas d’autres mots”. Ou : "Pourquoi vous l'emmenez ici. Qu'elle reste chez vous !!"
Julia ne souffre pas de racisme racial comme mon autre fille adoptive venue du Bénin. Elle souffre de discrimination, de racisme humain, de la bétise, de l’ignorance sur le handicap, de jugements hâtifs, de rejet de la différence.
Elle a fait des progrès immenses depuis son arrivée en 2001. Au début, elle était comme un enfant sauvage, se mordant parfois pour manifester ses émotions. Elle était totalement dépendante : il fallait l’habiller, la laver, lui brosser les dents, lui écraser ses aliments car elle ne mâchait pas. Elle avait huit ans. Elle faisait des cauchemars terribles la nuit. Elle pouvait hurler parfois et se mettre en crise.
Elle a vraiment commencé sa vie à son arrivée en France, dans notre famille.
Des professionnels m’ont dit : “On peut considérer qu’elle est née chez vous.”
Et puis il y a eu l’opération que j’ai relatée dans l’article du 22 avril 2008 :
"Accueil et opération d'une enfant roumaine, ma fille Julia. Présentation de l'association Sera. Handicap et amour."
... Il y a eu en outre la socialisation à travers l'école, deux années merveilleuses où Julia a été accueillie par les enfants de la classe unique de Saint Paul d'Izeaux. Enfin il y a eu l’IME “La Providence”qui l’a acceptée à Saint Laurent en Royans, avec des éducateurs, des orthophonistes, des psychologues et une psychiatre. Et des institutrices qui ont fait un travail remarquable.
Les IME, Instituts Médico Éducatifs, sont des lieux indispensables dans un monde où les enfants handicapés ont du mal à trouver leur place... malgré les lois qui incitent l’école à accueillir ces enfants. Parfois, le handicap est trop lourd, comme pour Julia, et il faut des établissements adaptés. Julia ne parle pas. Elle fait quelques sons et essaye mais son évolution ne lui permet pas d’aller plus loin, à cause de blocages qu’on n’explique pas. Elle est restée huit ans en orphelinat avec une absence de stimulations et surtout, elle n’était pas appareillée... avant que le laboratoire Thomassin la prenne en charge à Voiron, à son arrivée en France.
Beaucoup d’enfants handicapés n’ont pas la chance d’avoir une place dans un établissement éducatif et c’est regrettable pour leur famille qui a une responsabilité d’éducation très lourde et sans soulagement dans une prise en charge quotidienne.
Il existe des associations comme “Perce-Neige”, créée par Lino VENTURA, souhaitant aider la société à changer le regard de chacun sur le handicap mental. Ce grand chanteur avait une enfant handicapée mentale et il a décidé avec “Perce Neige” d’ouvrir des centres d’accueil et de prise en charge de ces enfants différents.
L’association “Vivre en Famille”, dirigée par Édith et Maurice Labaisse, propose de son côté des adoptions d’enfants trisomiques et “à particularités”. Ils en ont adopté eux-même et ont repris le travail de SERA dans l’accueil des enfants roumains ayant besoin de soins médicaux. Quelques familles en France accueillent des enfants roumains handicapés de façon définitive ou ponctuelle. Julia est dans notre famille dans le cadre d’un accueil et d’un engagement définitif, entièrement bénévole.
La découverte du handicap mental est difficile à accepter, dans une adoption comme dans une naissance. Sur sa fiche venue de Roumanie, il n’était pas question de handicap mental mais de handicaps physiques. Ce fut un choc de comprendre à son arrivée que Julia présentait beaucoup de troubles psychiques et de comportements divergents des autres enfants. Elle bavait beaucoup, se mordait parfois, se mettait à hurler et souffrait d’une peur de l’abandon énorme. Julia devait normalement se mettre à parler après l’opération par le Professeur Raphaël, ce qui n’a pas été le cas malgré la réussite de la reconstruction de son palais. Son état mental devait progresser avec la stimulation quotidienne, les efforts de chacun et l’instruction apportée. Mais nous avons dû nous rendre à l'évidence que Julia ne serait jamais autonome, bien qu'elle ait progressé jusqu'à un niveau de Maternelle-CP et qu'elle ait assimilé beaucoup de signes de la langue parlée complétée.
Julia s’est petit à petit sécurisée ; elle s'est harmonisée et a pris racine dans son nouvel univers, avec des progrès visibles dans son comportement devenu plus fluide et confiant. Elle s’est ouverte à la vie, avec un sens aigu des perceptions sensorielles, une grande sensibilité à nos émotions et nos sentiments qu’elle percevait sans parler. Le fait de pouvoir enfin entendre, grâce à l'appareillage par vibreur, l'a fait sortir d'une certaine bulle où elle s'était réfugiée et a été même agressif pour Julia qui avait besoin régulièrement d'enlever l'appareil pour se remettre dans un monde sans sons, dans une sorte de coton auditif.
Julia est aujourd’hui apte à faire beaucoup de choses. Elle aime grimper, se promener. Elle aime l’eau. Elle est très sociable et aime les petits enfants. Elle aime aller au cinéma voir des dessins animés. Elle a participé trois années de suite au grand challenge "La Drôme à vélo" avec tous ses copains de l'IME, faisant des kilomètres par jour en vélo. C'est extraordinaire quand on sait qu'à son arrivée en France, elle n'avait aucune force dans les membres inférieurs et ne pouvait descendre un escalier normalement. Dans l'orphelinat où elle se trouvait, personne ne sortait. Elle a grandi enfermée et sans stimulations.
Aujourd'hui, ma fille a seize ans et plein de rêves. Elle l’exprime à travers des images qu’elle montre, à travers des signes, le langage des signes, de ceux qu’elle sait faire. Mariage, bébé, maison. Avoir un bébé, oui, dans le rêve... dans la tête, mais dans la réalité... Arriver un jour à lui faire comprendre que c'est impossible. Quand une enfant handicapée passe de l'état d'enfant à celui d'adolescente, on ressent cette force de vie qui s'épanouit dans le coeur, comme une vague de désir d'être indépendante et totalement autonome mais sans pouvoir le concrétiser, même en tant qu'ado, puisque ma fille par exemple ne sort pas dans la rue seule et ne peut traverser la ville pour aller voir des amis.
Julia est entrée cette année dans une nouvelle dimension de l'IME, avec une intégration en section professionnelle CAT, dans le cadre d'ateliers de fabrication d'objets et de buanderie. Elle poursuit parallèlement le travail en orthophonie afin de prendre encore plus confiance en elle pour oser plus, oser l'oralisation, en dépassant les problèmes articulatoires.
Elle ira aussi loin qu’elle le pourra, dans l’accompagnement des adultes et de l’IME, et je serai toujours là pour elle.
Car j’aime ma fille comme un enfant du coeur. Un enfant de sang aussi car quand on a lavé un enfant, pris soin de lui, lavé ses affaires, nettoyé la souillure d’une propreté en marche, accompagné des jours et des nuits après une opération où on a vu le sang de cette enfant s’écouler d’une bouche meurtrie pour une réparation du palais... le lien du corps existe aussi autant que celui du coeur.
Aujourd’hui, j’accompagne aussi dans mon taxi spécialisé beaucoup d’enfants handicapés mentaux. Certains sont autistes, d’autres poly-handicapés avec le fauteuil en plus... avec des corsets parfois les attachant entièrement et les empêchant de tomber. Certains sont déficients intellectuels et d’autres sont parfois dangereux, avec des réactions agressives impulsives. Mais chacun a ce droit à la vie, à l’expression de leur être, de leur soi.
On le comprend merveilleusement quand, à leur retour chez eux le soir, leur maman ou leur papa les accueille avec mille bisous et des mots doux. Cet amour parental incommensurable permet à ces enfants de survivre dans ce monde où ils vivent des souffrances morales immenses et insoupçonnées, invisibles. Car la plupart sont conscients de leur état, même en paraissant inconscients.
J’embrasse tous ces enfants et leurs parents, leur souhaitant beaucoup de courage pour toute leur vie et le chemin qui se poursuit.
Chloé Laroche
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LIENS :
____________ Le site de l'association "VIVRE EN FAMILLE" de Édith et Maurice LABAISSE :
http://www.vivre-en-famillle.fr
_____________Le site de l'association PERCE-NEIGE :
http://www.perce-neige.org :
Perce-Neige a été créée en 1966 à l'initiative de Lino VENTURA. Père d'une enfant handicapée mentale, le célèbre acteur a mis sa notoriété au service des personnes inadaptées avec deux objectifs :
• agir pour que la collectivité prenne en compte ces enfants "pas comme les autres", en incitant les pouvoirs publics à reconnaître les besoins des personnes handicapées mentales et de leurs familles, particulièrement en terme de structures d'accueil,
• agir pour changer le regard de la société sur les personnes handicapées mentales, favoriser leur intégration, combattre les idées reçues.
_______ http://parentsh.free.fr/temoignages.htm
(Témoignage sur le handicap de parents concernés)
__________ http://www.adapei70.org/index.php?id=170
(Humaniser l’annonce d’un handicap)
------------------- http://www.lire.fr/portrait.asp?idC=45911&idR=201&idTC=5&idG=
(Portrait de l’écrivain handicapé moteur cérébral Alexandre JOLLIEN )
_____________ http://www.lecole-ensemble.org/rubrique.php3?id_rubrique=22
(Accueillir un enfant handicapé à l’école)
____________ http://www.dossier-handicap-mental.marchand-histoires.fr/
1001 dessins pour nos amis différents :
Toutes les illustrations présentes sur ce site proviennent de l'association
Voix et couleurs : Le projet est de réaliser et diffuser sur le net 1001 dessins en hommage aux personnes touchées par la déficience intellectuelle.
__________http://www.unapei.org/
Dans l’Isère :
AFIPAEIM ISERE
3 AVENUE MARIE REYNOARD
38029 GRENOBLE CEDEX 2
Téléphone : 04-76-46-39-66
Télécopie : 04-76-12-13-38
Email : vie.associative@afipaeim.org
Internet : www.afipaeim.org
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Associations :
Autisme France :
En France, il existe dans chaque région des Centres de Ressources pour l'Autisme (CRA)
ARAPI : Association pour la Recherche sur l'autisme et la Prévention des Inadaptations
ABA France : site de l'association Pas à Pas
Sésame Autisme : Association de parents d'enfants autistes
Autisme sans frontière
Univers Inverse : Association agissant pour une meilleure prise en charge globale de l'autisme
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Les chiffres clés en France :
L'Unapei estime à 650 000 personnes vivant en situation de handicap mental.
La prévalence moyenne de la déficience mentale se situe entre 1 et 3 %.
Chaque année, 6 000 enfants naissent en étant atteint d'un handicap mental.
La trisomie 21 touche un enfant sur 800.
50 000 personnes en sont porteuses en France.
12 000 personnes souffrent du syndrome de l'X-fragile. 1 garçon sur 4000 est touché contre une fille sur 8000.
Entre 60 et 80 000 personnes souffrent d'autisme.
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22:50 Écrit par chloe38 dans Mes confidences de mère adoptive et biologique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : enfant handicapé, handicap mental, francheschetti, différence, école, ime, surdité, absence de palais, parole, journée du patrimoine, château haute-jarrie, orthophonie, jollien | Facebook | |
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15/05/2009
La peine vécue au quotidien dans le handicap et l’absence. Quand une maman se noie devant l'insupportable. Accident et handicap mental.


Lorsque j’ai accompagné cette personne jusqu’à la porte de sa maison, son papa est venu me saluer et m’a proposé de venir manger un morceau de brioche. Et puis, debout devant moi, il s’est mis à me parler de sa femme : “La pauvre, elle n’est plus là. Elle s’est suicidée en se jetant dans l’étang, juste derrière la maison, l’année passée. Elle était malade des nerfs. Elle s’est noyée.”
Le pauvre homme pleurait. J’étais bouleversée. Je lui ai témoigné toute ma compassion. C’était une mer de détresse qui emplissait cette maison, ces deux coeurs en deuil, ces vies naufragées.
En me raccompagnant à mon taxi-VSL, cet homme m’a dit : “Je ne voulais pas vous le dire devant ma fille. Mais elle a été renversée par une voiture, juste là, à l’âge de cinq ans. Ma femme ne s’en est jamais remise. Ma fille s’en est sortie, mais en gardant les séquelles que vous voyez.”
Il y avait des larmes de sang dans tout le paysage. J’ai quitté ces deux coeurs si lourds, si lourds... mais peut-être un peu plus légers car le fait de m’avoir parlé ainsi, d’avoir pu épancher un peu la souffrance grâce à la parole donnée et écoutée, partagée, a soulagé imperceptiblement le deuil de cette famille, la peine vécue au quotidien dans le handicap et l’absence. J’ai senti en partant que l’oeil de la jeune femme s’était éclairci et qu’une lueur de sérénité s’était mise à briller dans son coeur.
Chloé Laroche
__________________________
Commentaires :
___________________________________________________________________________________ Pour information :
Aide Handicap École
0810 55 55 00
(communication facturée au tarif d'un appel local)
"Aide Handicap École" a été mis en place par le ministère en août 2007 et s'inscrit dans la lignée de la loi du 11 février 2005 qui considère que tout enfant est de droit un élève.
Une adresse électronique
aidehandicapecole@education.gouv.fr
21:57 Écrit par chloe38 dans Anti-suicide et mémoire des suicidés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : handicap mental, suicide, deuil, mort maman, accident voiture, enfant renversé voiture, ambulance, taxi, cat, écoute, souffrance morale, désespoir | Facebook | |
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10/04/2008
SOS d'une maman et conductrice de taxi sur Grenoble
LE PREMIER ARTICLE DE CE BLOG !!
Bonjour à vous qui me lirez. Je jette cette bouteille-blog à la mer. Pourquoi ? Parce que je vis des choses trop difficiles pour les garder dans mon coeur. Et aussi pour donner du courage à d'autres en donnant l'exemple de ne pas sombrer. Il y a eu aussi trop d'injustices ces derniers temps dans ma vie pour ne pas en parler.
Je suis conductrice de taxi spécialisé pour handicapés physiques et mentaux ainsi qu'ambulancière diplômée. Après un congé parental de trois ans, j'ai repris le 3 mars un travail en contrat à durée indéterminée. Je suis la maman solo d'un garçon de trois ans et de deux filles de quinze ans, recueillies en Roumanie et au Bénin.
Je transportais six fois par semaine trois jeunes et adolescents handicapés mentaux dans mon taxi, pour les emmener dans un IME ou les ramener à leur domicile. Le trajet total pouvait durer une heure et demi avec eux, selon les bouchons. Le 11 mars, un des ados m'a frappée violemment, se jetant sur moi sans raisons. J'ai pu stopper le taxi et arrêter le jeune par la voix et l'autorité dont j'ai fait preuve. Puis je suis repartie. J'ai pris la voie rapide et là, de nouveau, il s'est jeté sur moi et m'a frappée par de violents coups de poings, très agressifs. J'étais à 110 kilomètres heure sur l'autoroute et j'ai eu très peur. Je ne pouvais pas me défendre et il fallait que je garde la maîtrise du véhicule. J'ai crié pour qu'il arrête. Il s'est mis sur le côté et n'a plus rien fait. J'étais en larmes et très choquée. j'ai appelé les pompiers sur le portable et ils m'ont conseillée.
Arrivée à l'IME, j'avais très mal à l'épaule droite et j'étais très perturbée psychologiquement de ce que je venais de vivre. Je suis allée le signaler au directeur de l'IME, lequel a été plutôt froid, me disant que si je ne faisais pas l'affaire, il fallait réfléchir et qu'il payait "assez cher ma patronne pour que ça se passe bien".
Il faut dire que j'étais à l'essai pendant un mois jusqu'au 2 avril. Je suis allée aux Urgences, où ils m'ont gardée plusieurs heures, car je me sentais mal et j'avais des signes de faiblesse cardiaque (douleurs au bras gauche, à la poitrine, opression, malaise). Une psychologue est venue m'entendre. La patronne m'a appelée, affolée. Elle m'a fait comprendre que je devais reprendre le plus tôt possible, car sinon elle ne pourrait pas me garder, car elle perdrait des contrats. Elle m'a avoué aussi que ce jeune l'avait déjà frappée, d'un coup de poing, mais elle ne l'a plus jamais redit par la suite, gardant cela pour elle. Elle s'était aussi bien gardé de me le signaler avant, afin que je me méfie. Ce jeune autiste qui m'a frappé est très costaud et déjà d'un certain gabarit. Sa maman voulait qu'il soit placé devant dans la voiture, donc il était assis sur le siège passager.
Pour arranger la patronne, je n'ai pas utilisé tout mon arrêt d'accident du travail, un jour seulement, et j'ai repris le travail le surlendemain. La patronne m'a demandé de transporter à nouveau le jeune qui m'a agressée, mais en le plaçant à l'arrière du taxi. Une semaine après, je recevais un coup de poing de sa part, dont j'ai fais part à la patronne. Deux jours après ce coup de poing, il sortait son sexe à l'arrière et le montrait à l'autre jeune autiste. Il semblait très agité et je l'ai signalé. Enfin, le 25 mars, après avoir ramené à leur domicile ses deux camarades, je me suis retrouvée seule avec le dénommé Killian. Nous étions à la sortie de Vif, près de Grenoble. Il s'avance, tirant sur sa ceinture, et m'attrape par derrière pour me secouer et puis me frappe à la nuque et en haut du dos violemment, côté droit. Je m'arrête sur le côté et sors de la voiture. J'avais déjà onze heures d'amplitude de travail et avais eu une dûre journée, depuis sept heures du matin, prise du premier client. Là, il était six heures du soir et je devais aller chercher mon fils à la crèche après.
J'appelle les pompiers, lesquels ont appelé ma patronne. Je dis à celle-ci que je ne peux pas continuer comme ça, que c'est trop dangereux et que je suis très choquée. Elle essaye de joindre les parents du jeune, sans succès. Elle me propose de venir, mais que dans ce cas, je dois aller faire une course sur l'hôpital, en remplacement, à plus d'une demi-heure d'ici. Je n'étais pas en état et de plus, je pensais à mon fils. Alors je lui ai dit non pour l'hôpital. Elle m'a dit : "Dans ce cas, tu prends sur toi, et tu l'emmènes." J'ai accepté.
Dix kilomètres plus loin, Killian se précipite sur moi de l'arrière et m'assène un grand coup vers les cervicales, à droite du cou. Je crie pour qu'il s'arrête. Là, je stoppe le taxi. La patronne me rappelle ; je lui dis que je me suis arrêtée sur le bord de la route et que j'attends les parents sur place. Je ferme le taxi et je sors à l'extérieur, laissant Killian dedans. Je suis très mal, je pleure, très choquée, désemparée.
La maman arrive au bout d'un moment et sans un mot de réconfort ou de compréhension, me crie dessus en sortant son fils du taxi. "C'est une question d'autorité. C'est de votre faute. Vous ne savez pas y faire. Depuis quinze jours, tout va mal à cause de vous. Mon fils n'a jamais fait ça avec personne."
Je l'ai laissée dire. C'est une maman qui a un jeune handicapé adolescent, autiste, avec des comportements difficiles, des gestes qui vont dans tous les sens, qui ne communique pas. Killian grandit. Ses parents sont inquiets au fond d'eux, car voyant ces réactions, ils ne veulent pas y croire. Déjà lors de la première agression, sa mère a dit : "Non, ce n'est pas vrai, mon fils n'aurait jamais fait cela." À tel point que ma patronne m'a appelé, le 11 mars, me disant : "Chloé, il faut le dire si c'est grave ou pas. Si c'est pas grave, ça rassurera la maman, car elle a peur qu'on lui donne des médicaments, qu'il n'a jamais eu encore." Cela m'a choquée. Je me suis sentie reléguée au rôle de menteuse ou de profiteuse du système, qui simulerait une agression pour avoir un accident de travail en poche. Je venais de passer des heures aux Urgences et on ose me demander si ce n'est pas grave..... !!!!!?
Le soir du 25 mars, je suis allée chez le médecin. J'ai été arrêtée une semaine. Je suis revenue travailler le 1er avril. Tout s'est bien passé. La patronne m'a dit que je ne referais plus le transport de Killian pour l'instant.
Et puis le 2, elle me dit de passer chez elle. Elle devait me donner ma paye. Elle me dit : "J'ai une mauvaise nouvelle. Je ne te garde pas." Elle a ajouté : "Je suis très contente de toi. Il n'y a rien à redire. Mais je ne peux pas te garder. Un jour, tu sauras peut-être pourquoi. Mais je ne peux pas t'expliquer." J'étais effondrée. C'était, hélas, le dernier jour de mon mois d'essai.
Tout cela pour en arriver là ! Ces agressions difficiles à gérer depuis un mois et puis voilà... Plus rien. Je perds mon travail. En plus, depuis janvier, ma patronne m'avait fait promettre de bien être présente pour elle début mars, aussi j'avais refusé une autre proposition de travail pour ne pas la trahir. Et là, je me sens trahie, à un point inimaginable. Car je sais au fond de moi que mon départ a un lien avec les agressions et... c'est injuste.
Cela s'est passé il y a une semaine. J'ai su depuis qu'on ne peut pas renvoyer un salarié durant des soins encore en cours après un accident du travail, même dans le cadre d'une période d'essai.
Le Syndicat des Taxis m'a lancé de son côté : "Madame, vous apprenez à l'examen que personne ne peut vous obliger à prendre dans votre véhicule un individu que vous ne désirez pas transporter."...........
Les responsables du Syndicat ont oublié de souligner que la majorité des taxis sont patrons... pas salariés !!! Et qu'un salarié taxi n'a qu'à se taire et accepter toute course que lui demande son patron.
....................................
Depuis, il y a d'autres choses très difficiles dans ma vie.
Mon coeur est trop gros pour que je vous en parle tout de suite.
Mais mon fils vient de perdre son papa, qui devait être opéré lundi soir, d'une tumeur cancéreuse, à la Clinique des Cèdres à Échirolles.
Il est mort sur la table d'opération d'une erreur chirurgicale.
La tumeur était proche d'une artère, laquelle a été sectionnée.
Il s'est vidé de son sang. Parti inconscient.
Je dis erreur, ou faute médicale, car ils le savaient que la tumeur était grosse. Ils ont essayé, malgré tout, l'opération pour le sauver, mais au final, on lui a enlevé ses derniers moments.
Le père de mon fils avait 47 ans et mon fils l'aimait.
"Mon papa, c'est mon papa. Ce n'est pas le papa d'autres enfants. C'est mon papa."
Une psychologue m'a dit : "Maintenant, vous êtes liés à jamais avec cet homme, par le ciel et la terre, en cet enfant, votre enfant. Plus tard, il dira à ses enfants : Voilà, c'était cet homme et cette femme qui se sont aimés et qui ont fait que je suis venu."
Un grand trou dans mon coeur s'est creusé quand j'ai annoncé le décès de son papa à mon fils.
Hier, il l'a vu une dernière fois, au PFI. Je lui ai bien expliqué les choses, avec les conseils d'une psychologue formée au deuil et à l'accompagnement des survivants.
Mon fils l'a regardé un court instant. Il a vu ses yeux fermés. Que son père ne parlait plus. Il m'a vu poser des roses près du corps. Puis il s'est échappé et a grimpé sur un fauteuil, pour rejoindre la vie, dans le sourire innocent de l'insouciance.
Mon ex-compagnon, étendu sous un drap, était à l'endroit où se trouvait Océana, la fille que j'ai perdu il y a onze ans.
C'est lorsque nous sommes sortis à l'extérieur que la colère est sortie dans le coeur de mon fils. Il a jeté son doudou et de ses poings m'a frappée. Hier soir aussi, poussant son assiette : "Je veux mon papa."
Chloé LAROCHE
Voir mon article : "Ultime adieu au père de mon fils" :
https://sosmaman.20minutes-blogs.fr/archive/2008/04/11/
adieu-au-pere-de-mon-fils.html
et l'article concernant les agressions sur les ambulanciers :
https://sosmaman.20minutes-blogs.fr/archive/2008/07/15/
pour-cyrille-jeune-ambulancier-decede-mon-temoignage-d-ambul.html
NOTA : la photo de l'enfant est celle d'un petit garçon d'Inde ; ce n'est pas celle de mon fils.
11:25 Écrit par chloe38 dans Ne tirez pas sur l'ambulance | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : agression taxi, autisme, taxi, ambulance, vsl, handicap mental, ime, deuil, deuil d'un papa, cancer, femme taxi, solitude, injustice, témoignage, opération, décès papa, deuil enfant, blog, chloé laroche, premier article blog, vérité, clinique cèdres échirolles, chirurgien, parole, expression, isolement, écrivain, écrire, parler, dire, mots, paroles, fils, maman, drame, raconter, histoire vraie, patron, taxi ambulance, transport, coup, urgence | Facebook | |
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Alors là, j'ai les larmes qui montent. Troisième note que je lis aujourd'hui de vous et je suis très touchée. Cette histoire est malheureusement courante, mais on en parle pas. Merci à vous d'en parler. Je pense que ce vécu est très difficile à exprimer et à vivre (pour vous, cet homme et sa fille). Si vous travaillez dans l'environnement des personnes handicapées, je vous félicite. Vous avez du coeur, de l'amour et beaucoup de reconnaissance, ça se sent dans ce que vous dites dans cette note. Merci d'aider les gens, c'est très valorisant pour vous et pour eux. Je suis certaine qu'ils en sont reconnaissant.
Ecrit par : lolotte73 | 26.05.2009